Le syndrome de l’imposteur, apanage des femmes ?

Le syndrome de l’imposteur, apanage des femmes ?

Contrairement à ce que laisse à penser la littérature actuelle, le syndrome de l’imposteur n’est pas réservé aux femmes. 60 à 70% des personnes douteraient, à un moment ou à un autre de leur carrière, de la réalité ou de la légitimité de leurs succès. L’étude IMS conduite par Patrick Scharnitzky et Inès Dauvergne montre un écart femme/homme inférieur à un point pour ce qui concerne la confiance en ses capacités professionnelles. Marie Donzel a raison, arrêtons, je cite « d’aider les femmes en présumant de leurs besoins et envies » tout en les culpabilisant au passage, et non, elles ne sont pas « des petites choses fragiles » qui auraient développé des fragilités particulières à leur genre. Le syndrome de l’imposteur touche aussi bien les hommes que les femmes, d’ailleurs ne dit-on pas imposteur et non imposteuse ?

Le terme a été inventé par les psychologues cliniques Pauline Rose Clance et Suzanne A. Imes en 1978. Les personnes atteintes du syndrome de l’imposteur, appelé aussi syndrome de l’autodidacte, expriment une forme de doute maladif qui consiste essentiellement à nier la propriété de tout accomplissement personnel. Ces personnes rejettent donc plus ou moins systématiquement le mérite lié à leur travail et attribuent le succès de leurs entreprises à des éléments qui leur sont extérieurs (la chance, un travail acharné, leurs relations, des circonstances particulières). Elles se perçoivent souvent comme des dupeurs-nés qui abusent leurs collègues, leurs amis, leurs supérieurs et s’attendent à être démasquées d’un jour à l’autre.

Avez-vous été ou avez-vous déjà croisé un besogneux enragé toujours insatisfait de ses succès ou un expert en stratégie de sabordage à l’approche d’une réussite potentielle ?

Je dois avouer que j’ai pu par le passé y ressembler et obtenir le score maximal sur l’échelle de Clance du phénomène de l’imposteur. J’ai pratiquement bâti toute ma carrière avec ce sentiment d’illégitimité bien caché au plus profond de mon être. Incapacité à recevoir des remerciements, des compliments. Capacité à enchaîner les nuits blanches pour rendre la copie parfaite. Difficulté à faire confiance, à déléguer. Difficultés à ressentir et gérer mes émotions ou celles des autres. Recevant les promotions ou missions comme une mise à l’épreuve supplémentaire plutôt que comme une marque de reconnaissance. Cette réussite qu’exprimait mon parcours professionnel m’était tout à fait étrangère. J’ai commencé à aller mieux lorsque j’ai eu la charge d’équipes de plus en plus nombreuses. Je me suis alors rendu compte qu’elles avaient pour la plupart les mêmes ressentis que moi, et que je pouvais les aider. C’est en les aidant que j’ai commencé à m’aider. En quelque sorte, le management a été ma thérapie.

Car la bonne nouvelle, c’est que ce n’est pas une pathologie et que l’on peut tout à fait corriger ses comportements dès lors que l’on en a pris conscience. Sans parler de recette (je ne suis pas psy), j’ai l’habitude de donner les conseils suivants aux personnes que j’accompagne :
  1. En parler, « partager le secret » car ce sentiment d’illégitimité est vécu comme un véritable tabou qui tombe instantanément dès lors que vous en parlez à votre entourage qui saura trouver les mots pour vous rassurer. Vous pourrez alors commencer à évaluer l’ampleur de la tâche de façon moins subjective.
  2. Se gérer comme un plan d’action, appliquer la théorie des petits pas. Commencer, par exemple par vous forcer à écouter les compliments, puis noter les témoignages de sympathie, engranger les preuves de votre efficacité ou de vos succès, votre « wall of fame » personnel.
  3.  Lâcher prise, baisser la pression, prendre conscience de son perfectionnisme et observer les situations où il provoque chez vous tiraillements, blocages, fatigue, anxiété, mal-être. Voire être attentif aux signes de dépression ou de burn out et demander de l’aide. Deux lectures m’ont personnellement aidée. En premier lieu Les 4 accords toltèques de Don Miguel Ruiz et en particulier le 4ème accord « Faites toujours de votre mieux », la notion de « ni plus, ni moins » a agi comme une bouffée d’oxygène sur moi, qui ait été éduquée dans le registre de l’excellence/travail/souffrance. En second lieu, L’apprentissage de l’imperfection de Tal Ben-Shahar, « livre de travail » comme il le dit lui-même « pour nous accomplir en toute liberté, pour être bien… et surtout pas parfait ! ».
  4. Aller à la rencontre de soi, apprendre à se connaître, découvrir ses talents, son énergie, pour se renforcer au quotidien et oser affirmer sa singularité, prendre des risques.
  5. S’ouvrir aux autres, être curieux des parcours, des expériences diverses pour s’en inspirer et apporter son soutien à ceux qui en ont besoin.
Ce dernier point est essentiel. Lorsque nous commençons à exprimer notre expérience, raison pour laquelle j’ai voulu le faire ici, nous sommes frappés de voir à quel point ce sentiment d’imposture est commun, partagé à des degrés divers par chacun. Cette simple expérience du partage procure un soulagement immense, une sorte de reconnaissance au sens de conscience et enfin une solidarité dans le partage de solutions.

A titre de partage d’expérience, je vous recommande le témoignage courageux d’une grande dame dont l’immense carrière lui a apporté une renommée internationale. Je veux parler d’Aude de Thuin. Elle a écrit avec Jeanne Siaud Facchin Forcer le destin, j’ai choisi le succès, l’échec m’a rattrapée pour dit-elle : « raconter l’échec d’une femme entrepreneuse française (nous ne sommes pas si nombreuses) et que beaucoup ont toujours vue comme l’incarnation de la réussite. ». La force de son témoignage est une source d’inspiration pour chacun et chacune. Je vous invite également à visionner sa conférence TEDX du 4 janvier 2017 https://youtu.be/KOyOXtt_fX8. Son authenticité et son engagement sont bouleversants !